Requête concernant une publication controversée, commanditée et financée par le ministère de la Santé et l’INCa

  • A l’attention de Monsieur François BRAUN, ministre de la Santé et de la Prévention
  • A l’attention de Madame Marie DAUDÉ, directrice générale de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS)
  • A l’attention de Monsieur Norbert IFRAH, président de l’Institut national du cancer (INCa)

Marseille, le 21 avril 2023,

Objet : requête concernant une publication controversée, commanditée et financée par le ministère de la Santé et l’INCa, dans le cadre du PHRC-K-2014

Monsieur le ministre, Madame la directrice, Monsieur le président,

L’ANAViPS, alliance indépendante des associations de victimes des produits de santé, s’interroge sur le crédit pouvant être accordé à certaines publications initiées, financées et gérées par le ministère de la Santé et par les agences sanitaires françaises.

En effet, dans le cadre du Programme Hospitalier de Recherche Clinique en cancérologie (PHRC-K) de 2014, géré par l’INCa et financé par la DGOS, dix experts issus de divers CHU et de l’INSERM ont mené une étude visant à évaluer les toxicités des chimiothérapies à  base de 5-FU. Leurs résultats ont été publiés, en septembre 2019, par Barin-Le Guellec et al. dans la revue European Journal of Cancer (Elsevier), sous le titre : «Toxicities associated with chemotherapy regimens containing a fluoropyrimidine : A real-life evaluation in France » (DOI : 10.1016/j.ejca.2019.09.028).

Or, une lettre à l’éditeur récente, publiée en avril 2023, dans la même revue sous le titre : « Letter re : Toxicities associated with chemotherapy regimens containing a fluoropyrimidine : A real-life evaluation in France » (DOI : 10.1016/j.ejca.2023.01.026) et rédigée par des scientifiques indépendants, démontre sans ambiguïté que les résultats de la publication de Barin et al. sont en grande partie faux.

Plus précisément :
    – Les nombres des effets indésirables graves et létaux ont été déterminés par des extrapolations mathématiquement aberrantes.
    – Les intervalles de confiance (indicateurs permettant de chiffrer la zone d’incertitude des résultats) sont théoriquement faux.
    – Les algorithmes de calcul n’ont pas été choisis correctement.

Cette lettre à l’éditeur met également en avant le danger que représente cette publication. En effet, elle a été citée plus de 30 fois et présentée dans au moins deux congrès, sans que personne ne trouve rien à redire. Une équipe suisse a même repris la publication de Barin-Le Guellec et al. telle quelle, en toute confiance, pour déterminer, par extrapolation, le chiffrage des toxicités pour la Suisse.

En conséquence, plusieurs questions se posent :

    – Comment cette publication a-t-elle pu être co-signée par 10 scientifiques, dont une directrice de CRPV et un professeur de santé publique et de biostatistique, directeur scientifique duregistre général des cancers de Poitou-Charentes ?
    – Comment cette publication a-t-elle pu être acceptée dans une revue à comité de lecture ?
    – Comment cette publication a-t-elle pu être présentée au congrès de la Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique de 2021 ?
    – Comment cette publication a-t-elle pu être citée plus de 30 fois dans des travaux scientifiques ?

Mais surtout, et là est le but de notre courrier, pourquoi le ministère de la Santé et l’INCa n’ont- ils pas procédé à des vérifications de cette publication dont ils étaient commanditaires ?

Selon Richard Horton, rédacteur en chef de The Lancet : « Une grande partie de la littérature scientifique, sans doute la moitié, pourrait être tout simplement fausse », cependant le fait que la publication de Barin-Le Guellec et al. ait été réalisée dans le cadre d’un PHRC, ait été financée par le ministère de la Santé français et par l’INCa, aurait dû être un gage de sérieux. Il n’en est rien !

Monsieur le ministre, Madame la directrice, Monsieur le président, l’ANAViPS désire comprendre comment cette publication a pu passer sans problème toutes ces évaluations et en particulier les vôtres.

Elle aimerait également savoir si cette publication est une conséquence directe d’un dysfonctionnement structurel de la pharmacovigilance, les biostatisticiens étant en manque de données pour étudier avec rigueur les effets indésirables graves en cancérologie.

Enfin, elle souhaite connaître le devenir de cette publication : sera-t-elle corrigée, bien que cela semble a priori impossible, ou tout simplement rétractée ?

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le ministre, Madame la directrice, Monsieur le président, l’expression de nos salutations distinguées.