Réponse de l’ANSM du 31/01/2024

En réponse à votre sollicitation du 25/09/2023, nous vous informons que dans le cadre de ce dossier, des mesures visant à renforcer l’envoi par la DGS du message DGS-Urgent ont été mises en œuvre par l’ANSM. Ainsi, un courrier a été adressé aux directeurs des trois établissements de santé identifiés leur demandant expressément de veiller au respect scrupuleux de l’obligation de dépistage préalable systématique du déficit en DPD, chez tous les patients devant recevoir une chimiothérapie par fluoropyrimidines et dont l’activité en DPD n’est pas connue. Il leur est également demandé de présenter à l’ANSM, d’ici quelques mois, un état des lieux du respect de cette obligation par les professionnels de santé concernés (prescripteurs et dispensateurs) exerçant dans leur établissement.

Ces courriers ont par ailleurs été relayés aux ARS de ces établissements afin de les enjoindre d’assurer, dans le cadre de leurs missions, une surveillance sur le bon respect des CPD 5FU/fluoropyrimidines dans l’ensemble des établissements de santé de leur région.

Les équipes de l’ANSM, avec le soutien des CRPV, maintiennent la surveillance particulière en place sur le sujet. 

Bien cordialement,

Pôle Relation, service et coordination des sollicitations des usagers

Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.


Requête concernant une publication controversée, commanditée et financée par le ministère de la Santé et l’INCa

  • A l’attention de Monsieur François BRAUN, ministre de la Santé et de la Prévention
  • A l’attention de Madame Marie DAUDÉ, directrice générale de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS)
  • A l’attention de Monsieur Norbert IFRAH, président de l’Institut national du cancer (INCa)

Marseille, le 21 avril 2023,

Objet : requête concernant une publication controversée, commanditée et financée par le ministère de la Santé et l’INCa, dans le cadre du PHRC-K-2014

Monsieur le ministre, Madame la directrice, Monsieur le président,

L’ANAViPS, alliance indépendante des associations de victimes des produits de santé, s’interroge sur le crédit pouvant être accordé à certaines publications initiées, financées et gérées par le ministère de la Santé et par les agences sanitaires françaises.

En effet, dans le cadre du Programme Hospitalier de Recherche Clinique en cancérologie (PHRC-K) de 2014, géré par l’INCa et financé par la DGOS, dix experts issus de divers CHU et de l’INSERM ont mené une étude visant à évaluer les toxicités des chimiothérapies à  base de 5-FU. Leurs résultats ont été publiés, en septembre 2019, par Barin-Le Guellec et al. dans la revue European Journal of Cancer (Elsevier), sous le titre : «Toxicities associated with chemotherapy regimens containing a fluoropyrimidine : A real-life evaluation in France » (DOI : 10.1016/j.ejca.2019.09.028).

Or, une lettre à l’éditeur récente, publiée en avril 2023, dans la même revue sous le titre : « Letter re : Toxicities associated with chemotherapy regimens containing a fluoropyrimidine : A real-life evaluation in France » (DOI : 10.1016/j.ejca.2023.01.026) et rédigée par des scientifiques indépendants, démontre sans ambiguïté que les résultats de la publication de Barin et al. sont en grande partie faux.

Plus précisément :
    – Les nombres des effets indésirables graves et létaux ont été déterminés par des extrapolations mathématiquement aberrantes.
    – Les intervalles de confiance (indicateurs permettant de chiffrer la zone d’incertitude des résultats) sont théoriquement faux.
    – Les algorithmes de calcul n’ont pas été choisis correctement.

Cette lettre à l’éditeur met également en avant le danger que représente cette publication. En effet, elle a été citée plus de 30 fois et présentée dans au moins deux congrès, sans que personne ne trouve rien à redire. Une équipe suisse a même repris la publication de Barin-Le Guellec et al. telle quelle, en toute confiance, pour déterminer, par extrapolation, le chiffrage des toxicités pour la Suisse.

En conséquence, plusieurs questions se posent :

    – Comment cette publication a-t-elle pu être co-signée par 10 scientifiques, dont une directrice de CRPV et un professeur de santé publique et de biostatistique, directeur scientifique duregistre général des cancers de Poitou-Charentes ?
    – Comment cette publication a-t-elle pu être acceptée dans une revue à comité de lecture ?
    – Comment cette publication a-t-elle pu être présentée au congrès de la Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique de 2021 ?
    – Comment cette publication a-t-elle pu être citée plus de 30 fois dans des travaux scientifiques ?

Mais surtout, et là est le but de notre courrier, pourquoi le ministère de la Santé et l’INCa n’ont- ils pas procédé à des vérifications de cette publication dont ils étaient commanditaires ?

Selon Richard Horton, rédacteur en chef de The Lancet : « Une grande partie de la littérature scientifique, sans doute la moitié, pourrait être tout simplement fausse », cependant le fait que la publication de Barin-Le Guellec et al. ait été réalisée dans le cadre d’un PHRC, ait été financée par le ministère de la Santé français et par l’INCa, aurait dû être un gage de sérieux. Il n’en est rien !

Monsieur le ministre, Madame la directrice, Monsieur le président, l’ANAViPS désire comprendre comment cette publication a pu passer sans problème toutes ces évaluations et en particulier les vôtres.

Elle aimerait également savoir si cette publication est une conséquence directe d’un dysfonctionnement structurel de la pharmacovigilance, les biostatisticiens étant en manque de données pour étudier avec rigueur les effets indésirables graves en cancérologie.

Enfin, elle souhaite connaître le devenir de cette publication : sera-t-elle corrigée, bien que cela semble a priori impossible, ou tout simplement rétractée ?

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le ministre, Madame la directrice, Monsieur le président, l’expression de nos salutations distinguées.


“5FU” – Lettre ouverte au Dr. Christelle Ratignier-Carbonneil, Directrice Générale de l’ANSM, aux Directrices et Directeurs généraux des ARS et à Thomas Audige, Inspecteur en chef de l’IGAS

L’ANAViPS (Alliance Nationale des Associations de Victimes de Produits de Santé), créée le 29 janvier 2021, regroupe des associations de victimes d’effets indésirables graves imputables aux produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux). Elle agit par tout moyen en soutien de ses associations adhérentes, et fédère toute action visant à prendre en compte les difficultés rencontrées par l’ensemble des victimes de produits de santé (pharmacovigilance, indemnisation, etc.). L’indépendance de l’ANAViPS et de ses associations adhérentes est l’un de ses principes fondateurs. Elles refusent, en particulier, tout lien financier avec toute entreprise ou structure en relation avec la production, la commercialisation ou la promotion de produits de santé. Pour en savoir plus, voir son site Internet.

Aujourd’hui, l’ANAViPS lance l’alerte sur le « 5FU », un traitement anti-cancéreux. Ce médicament ne doit pas être donné à des patients présentant un déficit partiel ou total de l’enzyme appelée DPD (Dihydro Pyrimidine Déshydrogénase), ce déficit ne leur permettant pas d’éliminer correctement les médicaments anti-cancéreux à base de fluoropyrimidine. En avril 2019, l’ANSM a édicté des règles imposant la mise en œuvre de tests OBLIGATOIRES de dépistage du déficit en DPD.

Les Pharmaciens du Centre Hospitalier de Saint-Quentin viennent de publier une étude sur l’observance de cette obligation dans leur établissement, sur une période de 2 ans (avril 2019 à avril 2021). Résultat sur l’ensemble des patients concernés par la prise de 5FU :

– Seulement 21% des patients ont été testés en respectant l’OBLIGATION de l’ANSM du 29 avril 2019

– Pour les 79% des patients restants, les trois niveaux de sécurité mis en place par l’ANSM, à savoir les vérifications du résultat du test lors de la prescription et de la dispensation de la chimiothérapie et enfin l’alerte par les LAP (Logiciel d’Aide à la Prescription) ont été totalement inefficaces.

Comment expliquer le non-respect d’une règle de sécurité absolue s’agissant de médecins prescripteurs hyper spécialisés et des pharmaciens dispensateurs qui engagent leur responsabilité et donc celle de leur Hôpital ? 

Comment expliquer qu’un dysfonctionnement aussi grave soit passé « sous les radars » de la pharmacovigilance du CRPV d’Amiens, qu’il ait pu durer pendant 2 ans et qu’il perdure peut-être encore ?

Comment expliquer que cette situation ait pu être présentée publiquement lors du 19e congrès de la Société Française de Pharmacie Clinique, Strasbourg, 13-16 mars 2022, sans déclencher la moindre réaction notamment de la part des services de la pharmacovigilance au plan régional ou national ?

En conséquence :

L’ANAViPS demande à l’ANSM de lui fournir des explications détaillées sur les causes de ce fiasco dans sa mission de sécurité du médicament et de pharmacovigilance.  Et sur les leçons qu’elle en tire au-delà de l’affaire du 5FU pour améliorer l’efficience de notre système de pharmacovigilance trop souvent défaillant :  Seuls « quelques % » des « Evènements indésirables », y compris graves voire létaux, sont déclarés aux CRPV qui doivent cesser d’être en situation d’attente passive de ces trop rares déclarations et s’impliquer activement dans la recherche d’informations.

L’ANAViPS demande, pour cela, à l’ANSM de dire quelles garanties elle peut donner aux patients cancéreux traités par « 5FU » que ce qu’elle n’a su ni prévenir ni repérer à Saint-Quentin ne s’est pas produit et ne se produira pas ailleurs ? Et pour cela, de diligenter, avec les ARS, des audits pour vérifier si les dispositions édictées en avril 2019, sont, ou non, systématiquement mises en œuvre dans l’ensemble des centres concernés. Et qu’elle s’engage à rendre publics ces résultats et les mesures qu’elle prendra au vu de ceux-ci.

L’ANAViPS demande à l’ANSM et aux ARS de veiller à ce que soit sanctionnée toute personne (médecin, pharmacien, directeur d’établissement, etc.) qui aurait été impliquée dans la non application de cette obligation.

L’ANAViPS demande que l’ANSM et les ARS s’impliquent activement dans la prise en charge des patients, victimes d’effets iatrogènes du « 5FU » si celui-ci a été prescrit hors des règles prévues. Des patients qui ont, trop souvent, de grandes difficultés à faire reconnaître la responsabilité de cette prescription fautive. 

L’ANAViPS demande que les Associations de patients soient activement associées à cette démarche de reconnaissance et de prise en charge.

De l’avis même des Centres Régionaux de Pharmacovigilance (CRPV), l’obligation légale faite aux professionnels de santé de déclarer tout effet indésirable (Article L5121-25 du code de santé publique) n’est pas respectée. En 2006, dernière publication officielle sur ce sujet, seuls 1 à 10 % des effets indésirables étaient remontés à la pharmacovigilance (CRPV TOURS).

L’ANAViPS demande à l’ANSM qu’elle fasse respecter la loi sur tout le territoire national, et notamment qu’elle prenne toute sanction envers les professionnels de santé (médecin, pharmacien, directeur d’établissement, etc.) qui seraient en infraction avec le Code de Santé Publique.

Veuillez croire en notre vigilance,

Cordialement.